Potosi en Bolivie est l’une des plus hautes villes du monde. Elle culmine à plus de 4 000 mètres d’altitude. Mais au-delà de son histoire chargée, de la beauté de ses églises baroques et de ses maisons coloniales, c’est sa montagne, le Cerro Rico qui est l’objet de la plus grande attention. Depuis quelques années, une nouvelle activité s’y est développée puisqu’on peut visiter les mines d’extraction de minéraux et d’argent…
J’avais inclus cette étape dans mon itinéraire sur la recommandation de Michel, le gérant de l’agence Les Connaisseurs du Voyage qui m’avait fait mon billet « Tour du Monde ». Il m’avait expliqué que je ne pouvais pas passer outre Potosi, cette ville de Bolivie essentielle dans notre Histoire puisque c’est elle qui avait fait « la fortune de l’Europe ».
Comment ? Je vais vous l’expliquer.
Potosi, son histoire et ses mines

Me voici donc arrivée à Potosi en Bolivie et pour une fois accompagnée, puisque à l’issue des -certainement- quatre plus beaux jours de mon voyage, à parcourir le Sud-Lipez dans un 4×4, Suzanne l’hollandaise, Francisco l’italien et moi avons décidé de poursuivre ce petit bout de chemin ensemble. Quant à Jarrid, notre 4ème compagnon de route, il est parti à notre grand regret rejoindre La Paz où il devait retrouver des amis. Les adieux ont été aussi émouvants que si l’on se connaissait depuis 10 ans.

La visite des mines de Potosi

Déroulement de l’excursion vers la mine
La préparation



Notre guide en profite pour nous faire goûter l’alcool que les mineurs se procurent en quantité : voilà donc les petites bouteilles de plastique que j’avais vues à plusieurs reprises dans d’autres magasins : elle servent à contenir une gnôle imbuvable, tout simplement de l’alcool potable à 96° dont je bois une gorgée, c’est affreux. Nous partons maintenant, fin prêts pour « la mine ».
L’arrivée à la mine du Cerro Rico

Sentiment de malaise à notre arrivée, nous sommes devant l’entrée de la coopérative minière Santa Rosa, avec nos sacs de provisions et notre guide qui commence à nous expliquer le fonctionnement de la mine, le rôle de chacun, ce que l’on en sort et comment les pierres sont triées à l’extérieur en fonction de leur intérêt.

Pendant qu’il nous parle dans le bruit des machines, des pierres qui se déversent, des chariots qui roulent, mon regard ne peut s’empêcher d’aller se poser discrètement sur ces hommes en train de pousser les chariots sur les rails. Certains sortent de la mine, aveuglés quelques secondes par le soleil, d’autres les croisent, leur chariot vide, en direction des entrailles de la terre.
Un homme est en train de se laver avec un tuyau d’arrosage, il doit avoir terminé sa journée, il m’a vue le regarder. Malaise. Nous sommes là, petits touristes qui parcourons les plus beaux endroits du monde avec nos « petites économies », nous qui avons payé pour venir voir ces hommes travailler et qui sortirons tout à l’heure pour aller manger un bon repas chaud avec une bière… les mineurs nous jettent parfois un regard indifférent, je me dis qu’ils sont habitués à voir des gens ici et je me demande ce qu’ils en pensent.L’entrée dans la mine
Une fois les consignes de sécurité énoncées, nous nous dirigeons vers l’entrée du tunnel. Suzanne part seule avec un guide plus ou moins anglophone en me lançant un regard un peu angoissé, Francisco et moi partons avec le guide bolivien.

La descente dans la mine
Après une dizaine de minutes de marche dans un tunnel qui semble ne jamais s’arrêter, nous nous retrouvons au pied d’une échelle verticale en bois qui descend de 15 mètres. Le guide nous donne toutes les consignes des précautions à prendre ; descendre les marches une par une en se tenant fermement, faire attention à son casque, ne pas paniquer… on a à peine le place pour passer et les barreaux de l’échelle sont espacés, rendant la descente périlleuse. Bien entendu cette excursion est très vivement déconseillée aux personnes claustrophobes, asthmatiques ou sujettes au vertige… même moi qui ne souffre d’aucun de ces maux essaye de rester calme et de me contrôler pour ne pas paniquer.
Il faut souligner que nous sommes à 4 500 mètres d’altitude, et que si l’oxygène manquait déjà un peu à Potosi, au fond de la mine il commence à se raréfier de façon très sensible ; on nous a conseillé de mettre un foulard sur le nez et la bouche, l’air devient peu à peu irrespirable, humide et concentré en poussière et particules de silice. Ce sont ces minuscules particules, coupantes comme du verre, qui viennent se déposer dans les poumons, et qui provoquent les maladies, voire la mort des mineurs. Leur espérance de vie dépasse rarement les 45 ans.
Il s’arrête de temps en temps pour nous demander si ça va, et même si ça n’allait pas, je voudrais continuer. Arrivés en bas des échelles nous prenons quelques secondes pour reprendre notre souffle, le guide nous montre une sorte de cheminée qui sert à remonter les énormes de sacs de caoutchouc emplis de pierres que les mineurs viennent de casser.Dans les entrailles de la terre

Un peu plus loin, un bruit assourdissant nous empêche quasiment de nous parler. Un homme est en train de perforer le sol à l’aide d’un énorme marteau piqueur. Il s’arrête quelques instants, le temps pour notre guide de nous faire comprendre que nous allons nous approcher de lui. Il contourne l’homme en rasant la paroi et me fait signe de venir le rejoindre … il y a à peine la place ! le bruit est terrible, le sol tremble, j’ai une cinquantaine de centimètres pour passer et j’ai un instant d’hésitation. L’homme continue à creuser, le guide me répète de venir, il me fait signe de bien me plaquer au mur. La poussière est telle qu’il est totalement impossible de respirer, même à travers mon mouchoir, une odeur puissante de fer, de soufre, de particules que je sais mortelles. Le bruit est insupportable. L’homme est concentré sur sa manœuvre dangereuse, son assistant me fait un sourire complice et presque taquin… c’est leur quotidien, c’est leur vie. Je mets plusieurs minutes à reprendre mon souffle et nous poursuivons notre marche.
Le guide nous montre maintenant des tuyaux de caoutchouc qui parcourent le plafond. Ils servent à alimenter les machines en air comprimé mais sont parfois perforés de minuscules trous dont les filets d’air qui s’en échappent servent à alimenter les mineurs des galeries en oxygène en faible quantité, Au bout de quelques minutes nous arrivons dans un tunnel sans issue qui mène vers une sorte de petite caverne au fond de laquelle trône un personnage coloré sur un hôtel couvert de ce qui semblent être des détritus. Le guide nous fait asseoir sur les bancs sculptés dans la roche.
El Tío, le gardien de la mine
Nous sommes devant El Tío. C’est le gardien de la mine, il est là depuis 50 ans, et exhibe un sexe en érection démesuré.
Les mineurs viennent ici l’honorer, se reposer en silence, se confier, se recueillir, lui offrir des feuilles de coca, lui déverser quelques gouttes d’alcool aux pieds, lui allumer une de ces cigarettes artisanales dans la bouche et le prier de leur donner la force, de leur offrir la richesse, le métal qu’ils cherchent jour et nuit sans relâche.

La mine est encore interdite aux femmes mineurs, les hommes restent entre eux, et le vendredi ils viennent ici se saouler à coups de cet alcool qui brûle tout sur son passage.
Le guide nous raconte que de nos jours les accidents les plus fréquents sont dus aux conséquences de ces soirées de beuverie, les mineurs imbibés jusqu’à perdre raison tombant dans les trous de 15, parfois 20 mètres de hauteur. Il saisit des copeaux de silice, ce minéral mortel que les mineurs inspirent au quotidien.
La remontée vers la lumière
Je sors mon appareil photo que j’avais dû ranger hermétiquement à peine entrée dans la mine pour prendre cette scène que je veux figer mais je suis tellement intimidée, j’ose à peine… et puis je cadre au pif ce jeune mineur qui me regarde depuis son coin dans l’obscurité, avec ma frontale je l’éclaire et j’appuie sur le déclencheur.Nous les saluons un par un, leurs souhaitons bon courage, j’ai même honte de le leur souhaiter. Ils nous répondent timidement, la joue gonflée par la boule de coca qu’ils ont en permanence dans la bouche.
Nous remontons rapidement jusqu’à la surface, parfois nous entendons au loin le grondement sourd d’une explosion de dynamite… et lorsque nous arrivons dans la dernière galerie, j’aperçois le trou de lumière qui grossit au fur et à mesure que nous avançons vers la sortie.
Et comme lorsque l’on remonte à la surface après une plongée, on semble découvrir un autre Monde. Le monde de la Vie, du soleil. Le guide nous montre les traces de sang sur la pierre qui forme la bouche d’entrée et nous explique que les mineurs y font des sacrifices de lamas lors d’un rite en l’honneur de la Pachamama, pour que la mine les garde et leur porte bonheur.https://olympiaonboard.com/wp-content/uploads/2012/07/d78b3-dsc_4727.jpg




oui, très étrange ce genre d'expérience. Voyeur, empathie, gêne. Est-on sûr d'avoir partagé un sentiment, mais en tout cas l'émotion est sincère pour toi. L'ambiguité reste. Bises, D.
Magnifique et… terrifiant !
C'est une mine de quel métal au fait ?
😉
saisissant ton récit,plein de suspense et sincère émotion, merci ma fille
después de leer este relato he quedado en shock. emoción,suspenso,admiración,angustia,lágrimas…y pienso en el mundo injusto que hemos creado los seres humanos con nuestros propios congéneres.Por otro lado,felicito a la relatora…la redacción de esta nota es excelente en forma y en fondo,digna de la mejor publicación.