Cela fait des semaines que l’on en parle, que l’on a redouté la vague. Il y a encore 15 jours j’étais comme beaucoup, très sceptique sur cette « simple grippe » qui venait d’ébranler l’Asie et plongeait l’Europe dans la paranoïa la plus totale.
Hyper connectée, bien informée sur l’actualité de l’Europe et de la France en général, ce n’est que lorsque le vent provoqué par le tsunami commençait à se sentir ici que j’ai réalisé ce qui nous arrivait dans la figure.
coupés du monde du jour au lendemain
C’est le 16 mars, au lendemain des élections municipales qui avaient été reportées de 3 semaines en raison de fraude au vote électronique, -et avaient généré un mouvement spontané et historique de manifestations pour dénoncer le ras le bol de la corruption de l’état et du non-respect de la démocratie-, que tout à vraiment commencé.
L’on a d’abord appris que tous les vols en direction et provenance d’Europe, Iran, Corée et Chine étaient suspendus pour 30 jours. Stupéfaction générale. Les milliers de touristes qui étaient sur le sol dominicain étaient subitement « pris au piège », condamnés à poursuivre leur séjour sous les cocotiers, pour cause de force majeure.
Bonne nouvelle pour certains qui voyaient là l’aubaine de pouvoir prévenir leur employeur qu’ils n’avaient pas le choix, pour d’autres la chance de peut-être pouvoir éviter une situation qui s’annonçait déjà dramatique en Europe tout en continuant à profiter de la plage et des mojitos pendant que d’autres étaient déjà confinés dans leur 12 m2 parisien.
Mais la réalité de la situation à vite repris le dessus. Comment rentrer chez soi ? Combien de temps allait-on rester bloqués dans ce pays, loin de sa famille, ses proches, ses habitudes ?
rester ou rentrer au pays ?
Bien heureusement les ambassades de France et Canada en République dominicaine ont très rapidement réagi en organisant durant plusieurs jours le rapatriement de ses concitoyens en urgence via des « vols ferry » affrétés pour l’occasion. Arrivant à vide et repartant avec les touristes, l’île s’est totalement vidée en quelques jours des millers de touristes qui chaque année participent à plus de 70% au PIB du pays. Les grands resorts et les hôtels ont fermé les uns derrière les autres, laissant les principaux centres touristiques du pays comme Punta Cana, Bayahibe, Puerto Plata, La Romana et même la péninsule de Samaná déserte de « gringos ». Les employés des hôtels ont été invités à rentrer chez eux, et c’est le 17 mars le Président Danilo Medina apparaissait à la télévision pour inviter tous ces concitoyens à rester chez eux, cesser toutes les activités sociales et ne réduire qu’au strict minimum les sorties. Accompagnées du slogan « #quedatenecasa » (#restecheztoi) mettant en place une longue série de mesures ont mis le pays à l’arrêt total dès le 19 mars.
les mesures du gouvernement dominicain
Avec entre autres la cessation de toute activité commerciale sauf celles de première nécessité telles que hôpitaux, pharmacies ou colmados (ces supérettes ou mini-épiceries typiquement dominicaines où l’on peut acheter sa bière « Présidente » et la boire avec ses amis sur des chaises en plastique disposées à même le trottoir ou la rue au son assourdissant de la bachata ou du merengue), le pays était mis en mode « PAUSE INDÉFINIE« . Les écoles étaient fermées, pour 3 semaines, tous les spectacles, événements nationaux suspendus ou annulés, les marchés interdits, et l’état se préparait à affronter cette vague qui nous arrivait droit dessus.
Le 20 mars, on apprenait que tous les transports publics étaient suspendus, coupant (volontairement) l’accès aux localités et le transit des personnes dans le pays. L’état d’urgence était déclaré et la mise en place d’un couvre-feu de 21 heures à 6 heures du matin devait appuyer cette volonté de confiner les citoyens, même si le mot ne fût jamais prononcé au profit de « distanciation sociale« .
Enfin, le 26 mars 2020, le Président de la République dominicaine a repris la parole pour annoncer une série de mesures inédites ; le déblocage d’immenses quantités d’argent pour venir en aide aux plus démunis, leur assurer le pécule nécessaire pour pouvoir s’alimenter le temps de cette pause, évitant ainsi, -on l’espère- d’ajouter au désespoir des pertes humaines que la pandémie va inexorablement engendrer, la famine et la rébellion qui pourraient en résulter.
C’est désormais à partir de 17h et jusqu’à 6 heures du matin qu’il ne faut plus être dehors, sous peine de 2 jours d’emprisonnement,… qui pourrait payer une éventuelle amende ?
la République Dominicaine en mode « pause »
La République dominicaine est ainsi passée en moins d’une semaine d’un pays où la gaieté, la musique, la joie de vivre et la nonchalance règnent, à la vision, non pas apocalyptique que l’on a vu dans d’autres pays, (car le plages de sable blanc et les cocotiers ne collent pas avec la situation), mais au silence des rues d’habitudes si bruyantes, désertées, aux plages vidées, mais aussi et surtout à l’inquiétude, l’angoisse de l’ennemi invisible.
L’arrivée de la pandémie fait l’effet d’une punition divine qui va encore augmenter la foi de plus en plus exacerbée des dominicains.
Dans une société où l’on ne se soucie pas du lendemain, où l’on vit au jour le jour sans jamais économiser le moindre sou, privilégiant parfois -et même souvent- l’alcool ou le jeu de hasard dans les milliers de petits postes de loterie que comprend le pays avant le bien-être de la famille, dans une société où bien souvent la femme s’affaire à la maison avec les enfants pendant que l’homme travaille mais aussi « disparaît pendant des heures » pour jouer aux dominos ou retrouver une quelconque maîtresse,… dans un pays rongé par la pauvreté, l’illettrisme et la crédulité qui l’accompagne, mais aussi par la volonté d’une génération qui brandissait le point il y a encore quelques semaines en exhortant sa population à « se réveiller« … le Corona-virus, Covid19, va-t-il ébranler et « secouer » les domincains comme un terrible tremblement de terre, tout raser comme un terrible tsunami, ou amorcer « une nouvelle donne » ?
Dieu seul le sait, comme disent les dominicains.
L’avenir le dira, comme je dirai. Leur avenir est entre leurs mains.
Ce journal d’une catastrophe annoncée est malheureusement à suivre…