⏱ Temps de lecture : 9 minutes18 juin 2017. Me voilà de retour à
Paris, après plus d’un an de déconnexion totale au fin fond de ma baie de Samaná, et déjà 4 ans depuis mon départ de la capitale, de la « Ville des Lumières ».
Mon retour à Paris comme touriste
J’ai hâte de retrouver les miens, de voir si Paris à changé, de découvrir les nouveautés, aller au cinéma, faire du lèche vitrine, saliver devant les étalages d’un marché un dimanche matin, manger de tout ce qui me manque, me rendre dans quelques musées, voir des spectacles, fréquenter les galeries d’art, les cocktails mondains, boire des coups en terrasse, pique-niquer dans les parcs… la vie parisienne quoi !
Et puis surtout,
faire tout cela sans horaires, sans pression, sans penser que le lendemain je dois me lever pour aller au travail (coucou patron ! alors, ça bosse ?) car pour moi, maintenant c’est tous les jours le week-end, je travaille quand je veux et où je veux.
Et toc, à moi Paris, « à nous deux maintenant » !
Tu parles.
Mon agenda ressemble à celui de Sarkozy à deux semaines de la présidentielle. J’ai fait une liste -non exhaustive- des amis que je comptais voir, j’ai en tête les quelques lieux ou sorties que je ne veux pas rater avec en tête de liste une soirée à l’Opéra Garnier ; cette année, je veux de
l’exceptionnel, je veux prendre ma dose pour repartir sans regrets et tenir encore une bonne année ou deux sans rêver à une balade sur les quais un soir d’été, car je compte bien repartir saturée comme je l’étais il y a 4 ans.
J’ai finalement calé un bon mois à mon arrivée puis encore 2 semaines avant mon retour au pays (en République Dominicaine), cela devrait quand même le faire.
Ma vie mouvementée
Ma vie n’est pas un long fleuve tranquille, et ce ne sont pas les amis qui me connaissent de près qui le nieront. On connaît tous quelqu’un à qui il arrive toujours des histoires abracadabrantes, surréalistes, rocambolesques. Eh bien je crois bien que j’en fais partie, Ah ça oui,
les rebondissements et les montagnes russes je connais ma petite Thérèse, sinon ce serait trop simple.
Et puis c’est sûr, j’ai l’énergie de 3 personnes, alors forcément, je vis trois vies à la fois, ça multiplie les probabilités de hauts et de bas. Je crois que je pourrai écrire une bonne demi-douzaine de livres pour raconter ma première presque-moitié de siècle.
Mais revenons-en à mon séjour Parisien.
Une chaleur caniculaire, le tout Paris dans la rue, j’avais calé mon arrivée juste avant une
date en or dans mon agenda. Car oui, merci Jack,
j’en ai manqué peu depuis 1982, le 21 juin, c’est le jour de l’été, mais aussi la Fête de la Musique ; c’est mon jour préféré de l’année, et je tenais à être à Paris pour la fêter une fois de plus en croisant les doigts pour qu’il ne pleuve pas comme 3 fois sur 5.
C’était superbe, j’ai commencé la journée à l’église de Saint Eustache accompagnée de ma nièce devenue une jeune femme, moment touchant pour cette date symbolique, j’ai traversé la Seine, rejoint le quartier latin, Saint-Michel, la rue Saint-André des Arts, regardé les petits groupes jouer, regardé les milliers de passants défiler devant moi… j’avais oublié qu’il y avait tant de monde à Paris et comme Macron, j’ai pris ma dose de bain de foule. C’était superbe, c’était joyeux, c’était festif et bon enfant. Dans les jours qui ont suivi, j’ai profité de cet été exceptionnel -tout le monde meurt de chaud sauf moi ?- pour
parcourir les rues de Paris, alterner les quartiers, marcher en levant les yeux comme je l’ai toujours fait, découvrir les nouvelles vitrines, revoir ma ville avec un œil nouveau, me sentir presque étrangère.
La sensation d’être un étranger dans sa ville
C’est là que je voulais en venir.
Dès que j’ai eu l’âge -précoce- de sortir seule, j’ai parcouru Paris de long en large à pied.
Sensibilisée à l’architecture, l’art et la culture par mes parents, je connaissais à peu près tous les quartiers, les styles architecturaux et entrais dans les églises alors que mes camarades d’école regardaient encore Albator et Candy à la télé. Avec deux ou trois copines, le rituel du vendredi ou du samedi soir chaque été consistait à faire la grande boucle rue de la Glacière/Boulevard Arago jusqu’à l’église de Saint-Germain des Près en passant par la rue Moufferard, le Panthéon, le Boulevard Saint-Michel, la rue Saint-André des Arts, Odéon, Mabillon et la rue de Bucy. Nous regardions les spectacles de rue (un comique noir que nous avons suivi pendant des années, un magicien avec sa petite table qui faisait des tours de cartes impressionnants…), le samedi ou le dimanche après-midi j’allais lire au parc du Luxembourg, et puis il y eu les Halles, Denfert-Rochereau, les quais, Bastille, Oberkampf, les Grands Boulevards, le Parc André Citroën, la balade par l’île aux Cygnes jusqu’à la Tour Eiffel,… je suis même rentrée un soir d’hiver à pied sous la neige depuis La Villette avec une copine jusque dans le 13ème.
Je connais Paris comme la palme de ma main
Depuis mes 12 ans, Paris, je l’ai quadrillé jusqu’à la nausée.
Car à force de de m’y promener, souvent toute seule, j’ai fini par m’en lasser. Mais je partageais aussi mon amour de Paris avec le plus grand plaisir ; mes amis étrangers ou provinciaux m’avaient désignée comme
la meilleure guide et m’envoyaient tour à tour leurs amis de passage dans la « capitale de la France ».
C’est ainsi que j’ai fait quantité de connaissances éphémères dans la durée, intenses sur le moment, le plus souvent inoubliables dans le temps. Car ces moments partagés et sans lendemain aboutissaient pourtant sur une complicité et une profondeur uniques. Au bout de quelques heures et souvent de quelques verres pour nous désaltérer, on finissait toujours par se faire des confidences ou se raconter nos vies, refaire le monde tout en regardant Paris du haut de Montmartre, de Notre-Dame, de la Tour Montparnasse ou de la Tour Eiffel. Et à la réflexion, je crois que c’est ainsi que je me suis habituée à être aussi à l’aise avec des inconnus qu’avec des amis de longue date.
Le voyage ça ouvre l’esprit on vous dit !
Je connaissais les coins et les recoins de Paris, quelques anecdotes historiques, des lieux insolites, des bars cachés ou étonnants, des détails d’une façade, une ruelle pavée datant du moyen-âge…,
en fonction de la nationalité de chacun je savais où l’emmener, ce qui lui plairait (on n’emmène pas un américain à la Défense ou à Disneyland, ni un sud américain dans le quartier latin, ça ne lui fera pas l’effet du cas de figure inverse !), et
je quittais mes hôtes de quelques heures ou de quelques jours en les laissant sur les rotules, ça me faisait rire et j’en avais profité tout autant qu’eux.
Fin d’une histoire d’amour
Mais voilà. On finit par se lasser. Comme un vieux couple.
Après le décès de mon père en 2005 et quelques mois de réclusion chez moi à écouter les mêmes morceaux mélancoliques, j’avais perdu le goût de ces promenades, la motivation à sortir. Même mes amis ne me faisaient plus vraiment rire.
Je me suis accrochée, je me suis battue, mais j’ai dû finir par l’admettre : je n’aimais plus Paris et ses bobos parisiens, je n’étais plus amoureuse comme au premier jour.
Je me suis toujours demandé comment l’on voyait Paris avec les yeux d’un étranger. C’était impossible à imaginer, chaque boulevard, chaque avenue, chaque rue, chaque passage était emprunt de souvenirs tellement variés qu’il aurait fallu effacer tout mon disque dur pour pouvoir en faire abstraction.
Qu’est ce que ça peut bien faire de voir la Tour Eiffel pour la première fois ? Se retrouver sous ses grands pieds un soir lorsque ses lumières étincellent ? Mettre les pieds au Louvre et voir la foule devant la Joconde ?
Après presque 4 ans de distance, le phénomène commence à opérer. Bien sûr, jamais je ne verrai Paris avec les yeux d’une vierge au premier soir, mais je dois le dire : quelque chose à changé. Dans mon regard, et dans la réalité.
Mon regard critique sur Paris
Pardonnez-moi de le dire, mais voilà mon sentiment :
Paris devient la caricature d’elle-même. Amélie Poulain à définitivement marqué une étape (ou juste reflété ce qui se présageait). Ratatouille à définitivement transformé notre si belle ville en un décor en carton pâte, un Disneyland aux boulangeries Paul, aux macarons Ladurée et aux façades d’Antoine et Lili qui sonnent… FAKE* (
*faux).
C’est beau, très beau, franchement superbe, j’ai été la première à marcher dans les rues de certain quartiers devenus « top bobo », oups pardon, super
hipster, les yeux ébahis en me disant que franchement, Paris c’est bien la plus belle capitale of ze world, and it’s sooooo cuuuute !!!
Mais là, on frôle le l’excès (?). C’est tellement beau, soigné, propre, que ça met le malaise. Une ville maisons de poupée. Arrêtez-vous un dimanche matin au marché de la place Maubert-Mutualité avec ses superbes étalages, sa fromagerie que je serais capable de dévaliser comme d’autres dévaliseraient Chopard, Place Vendôme, sa poissonnerie avec ses truites à l’œil vif et ses gambas roses fluo, et ses guides qui font déguster aux petits groupes de touristes venus en « rando à vélo » les tartines de « pâté », oups, « foua goua » qui sera bientôt interdit car c’est vraiment trop barbare.
Paris, ville-musée ?
Marchez le long du Canal Saint-Martin un soir d’été, remontez la rue des Martyrs et restez scotché aux vitrines de ses pâtisseries à l’allure de bijouteries, regardez les jeunes filles s’extasier devant les Repetto à 200 euros du Marais, promenez-vous rue Clerc, achetez une jolie boîte de « Thé au Sahara » à 15 € les 100 grammes chez Mariage Frères en imaginant l’effet que ça vous fera de vous en servir une tasse une fois sous les tropiques, continuez jusqu’à Montorgueil, passez la porte du Café Pouchkine et ouvrez grand vos yeux et votre bouche…
Désormais certaines pâtisseries ressemblent à des bijouteries, à des magasins de haute-couture, les garçons de café portent des tabliers, une barbe, les cheveux gominés en arrière et des tatouages, les barbiers chics qui vous font un look de bûcheron des temps modernes.
Et pourtant.
Et pourtant, j’ai bien entendu pris un immense plaisir à me promener dans Paris, à regarder les affiches dans le métro, à découvrir les nouvelles boutiques de mon quartier, le nouveau forum des Halles, à m’amuser à emprunter les passages des Grands Boulevards, tenter de manger tous les plats dont je rêvais depuis des mois, faire des courses dans le quartier Chinois et déguster les meilleurs banh cuons de Paris, ne plus savoir où donner de la tête dans les supermarchés qui pour moi étaient devenus des cavernes d’Ali-Baba.
Une soirée à l’opéra
Ma soirée sous la magie de La Sylphide à l’Opéra de Paris fût aussi magique qu’elle pouvait l’être, mon pique-nique d’anniversaire sous le ballon du Parc André Citroën fût un succès, le gigantesque plateau de fruits de mer et les coupes de champagne que j’ai dégustés m’ont comblée, le feu d’artifice du 14 juillet d’une beauté époustouflante, symbole de l’élégance et du raffinement de notre ville Lumière m’ont subjuguée… mais quelque chose sonnait faux, j’oscillais entre ce sentiment de « déjà-vu« , de robot pressé par le temps, de japonaise au bord du malaise.
Toute cette abondance, cette opulence, ce gâchis de biens et de denrées -alors qu’ici on se suffit d’un grand plat de riz et de poulet-, regarder les poubelles dégorger de tous ces objets jetables et jetés alors qu’ici ils auraient encore 7 vies, voir toute cette quantité de meubles déposés au bas des portes cochères chaque fin de semaine, qui pourraient améliorer le quotidien de tellement de gens…
Mais la mélancolie n’a pas pris le dessus et je suis repartie en me disant qu’il fallait que j’attende encore un peu, en espérant qu’à mon prochain séjour on ne me mette pas un bracelet autour du poignet pour entrer dans les quartiers chics de la Ville Lumière.
Article très « touchant » qui reflète bien les sentiments d'un(e) expatrié(e) qui rentre au pays qui l'a vu grandir après une longue période d'absence. On croit que l'on va retrouver ce que l'on a quitté mais on se rend vite compte que, comme les êtres humains et les sentiments, notre ancien « chez nous » évolue aussi… C'est un peu comme quand une recroise un ou une ex- en rue des années après…