DES DIFFÉRENCES CULTURELLES…

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Je vous avais dit que j’allais publier un article sur les différences culturelles entre la République Dominicaine et « nous autres » français.
Chaque jour je suis ici confrontée à cette différence, et bien que je me sente tout à fait intégrée et au mode de vie dominicain, il y a quelques domaines pour lesquels je n’arrive toujours pas à comprendre ou assimiler cette différence.
Pire, je pense que je n’arrive pas, ou très difficilement à l’accepter.
C’est plus fort que moi, il y trois domaines en particulier qui peuvent me rendre chèvre.

Différence de cultures

Mais avant toute chose, quelques petites précisions en introduction : j’ai essayé d’écrire cet article avec humour et respect, je ne voudrais en aucun cas que l’on puisse y voir une quelconque méprise ou moquerie, mon intention étant justement de bien faire comprendre nos différences culturelles, sans parti pris ni jugement de valeur.
Par ailleurs, je précise que mes observations sont basées sur ma vie à Las Galeras, qui je vous rappelle est un village tout au bout du bout d’une péninsule Nous sommes dans un milieu rural au taux d’analphabétisme et d’illettrisme très élevé ; mes observations seraient peut-être différentes à la capitale ou dans l’une des grandes villes du pays.

La culture de l’imprécision ?

LA NOTION DU TEMPS

Peut-être la différence culturelle la plus facile à comprendre, pas forcement à accepter.
Parce que l’on sait tous que dans les pays chauds, le temps à tendance à rallonger.
Serait-ce la chaleur moite qui vous cloue sur votre chaise et vous empêche de bouger ?
Cela à probablement quelque chose à voir avec la température. Chaleur ou pas, cela est bel et bien ancré dans les gênes semble-t-il, et l’on comprend rapidement (ou pas) que « mañana« , cela ne veut pas forcement dire « demain » mais… « un autre jour ».
Partant de ce concept, on peut décliner la notion de temps élargi à « ahora » (maintenant), « ahorita » (dans un moment), « más tarde » (plus tard) et « luego » (encore plus tard).
Aussi, lorsque votre garagiste, le plombier, le jardinier ou le serveur vous dit que que vous serez servi « ahora« , prenez votre mal en patience et détendez-vous, car
vous en avez peut-être pour un -long- moment, peut-être même quelques jours. La voiture est tombée en panne, la guagua n’est pas passée, le crédit du téléphone était épuisé, l’électricité avait été coupée, il n’y avait plus de gaz, etc, etc, etc.
En Asie, le concept est similaire : un asiatique ne vous annoncera jamais un délai long pour ne pas vous décévoir. Vous êtes son invité, il vous honore et ne voudrait pas perdre la face. Il va vous mentir.
Une fois que vous avez compris cela, tout est plus facile à accepter.
Ici en République Dominicaine, on pourrait avoir tendance à croire qu’on se fiche littéralement de vous. Je crois qu’il faut interpréter ce manque de sincérité autrement.
Malheureusement, je n’ai pas encore très bien compris comment le justifier.
« Vengo ahora » ne veut donc pas dire « je reviens » et encore moins « je reviens tout de suite », mais… « je suis parti pour une durée indéterminée ».
Voilà, vous commencez à comprendre.
Je crois que dans ce pays, les probabilités de contretemps sont tellement grandes (route coupée, transport défaillant, communication impossible et mille autres cas de figure possibles), qu’il est IMPOSSIBLE pour un dominicain de se situer dans le temps.
Sans compter qu’il y a 10 ans, personne n’avait de téléphone pour lui donner l’heure.
A propos d’heure, ici personne ne porte de montre, et lorsque exceptionnellement l’on en voit une au poignet d’une personne, elle n’est que décorative. Demandez l’heure à son porteur et il sortira son portable de sa poche pour vous la donner.

LA NOTION DES DISTANCES

En République Dominicaine, les distances sont mesurées selon le système américain (l’influence, bien sûr). On parle donc en pieds et en pouces, mais pour la route, on reste générallement sur le système métrique et on vous donne la distance en kilomètres. Quand on vous la donne.
Car en fait personne ici n’est capable de vous donner une distance en kilomètres, ni en mètres.
Posez-la question, vous aurez une réponse. Reposez la même question à une autre personne,.. puis une autre,.. puis une autre,… et vous comprendrez de quoi je vous parle.
On vous répondra rarement « je ne sais pas », non, votre inerlocuteur aura l’air interloqué, demandera à son voisin, et vous annoncera un chiffre surréaliste comme s’il vous parlait chinois. En effet, souvent lui même ne comprend pas, c’est trop abstrait.
A partir de là, on comprend qu’indiquer un lieu devient un casse tête qui se termine souvent par une explication sans queue ni tête.
Rester-calme. Ce n’est pas mon cas.

LA NOTION DE L’ORIENTATION

Alors là, on touche du doigt le sujet le plus épineux à mon goût.
Comment pêter un câble en moins de dix minutes ?
Je vais vous le dire.
Vous voulez donc que l’on vous explique comment vous rendre d’un point A à un point B, qui peut être aussi simple que « prendre à gauche en sortant, continuer tout droit jusqu’au 2ème croisement, prendre à droite puis encore à droite ». Mission impossible.
Préparez-vous à une demi-douzaine de minutes d’explications qui vont se terminer par un doute tellement profond que vous serez complètement déboussolé. Et vous n’aurez pas résolu votre problème.
Je ne rigole pas.
 
Premier cas de figure, vous cherchez un lieu précis qui vous a été indiqué sur un guide.
D’abord, il y a des chances pour que le dominicain ne le connaisse pas sous ce nom.
Aussi, vous serez ahuri lorsque lui demandant où se trouve « Le Grand Paradise » il vous regarde sans comprendre alors que vous savez que c’est quelque part à 5mn de là.
Ça commence bien.
Il faut savoir que des lieux peuvent souvent avoir plusieurs noms qui ont évolué au fil de leur histoire, et que l’information n’est peut-être encore pas bien passée à l’heure où vous posez naïvement votre question.
Admettons que vous ayez réussi à communiquer avec succès sur ce point.
Maintenant vient l’heure des indications du chemin à prendre.
Pourquoi ne me donne-t-il pas simplement l’adresse, me direz-vous ?
Parce que, petit rigolo que vous êtes, à part dans les grandes villes il n’y a pour la plupart aucun nom de rue, encore moins de numéro de rue, cela n’existe pas.
Ça vous rappelle le japon ? sûrement.
Comme dans l’ancien temps chez nous, on se repère par les arbres (« le grand manguier »), les maisons (« le poissonnier »), des éléments visuels (« el policía acostado » ou « gendarme couché » qui est un dos d’âne à l’envers, creusé dans le sol).
Ça vous rappelle d’où viennent les noms de famille « Dupuis », « Duprès », Dubois » et j’en passe ?
Vous avez raison, c’est le même système.
Pourquoi ne pas demander à mon interlocuteur de me le montrer sur la carte ou sur mon GPS  me rétorquerez-vous ?
Essayez-voir, ou plutôt, n’essayez pas, votre interlocuteur n’a probablement jamais vu une carte géographique de sa région, et saura encore moins l’interpréter.
C’est salaud. 
J’ai essayé plusieurs fois en Asie en regardant l’autochtone comme si c’était un extra-terrestre tellement je voyais qu’il ne savait même pas dans quelle sens tourner la carte, ça ne marche pas.
Alors à vous de vous adapter : il va probablement se tourner vers vous, et commencer à gesticuler avec une main ou les deux, en vous disant de prendre « pa’lla » (là-bas), de « subir » (monter) ou « bajar » (descendre) une rue alors que vous êtes sur un terrain parfaitement plat.
Il va hésiter, se tromper, reprendre, cela ne vas pas coller avec l’explication précédente, il ne sera absolument pas convainquant.
N’essayez pas non plus de lui refaire traduire ses explications par des « gauche », droite » ou « tout droit », vous n’y arriverez pas, ici on connaît rarement sa gauche de sa droite. C’est la main gauche ou la droite qui indique en faisant un geste comme si on repoussait l’air sur le côté, mais en fait,… pas toujours. Parfois on indique avec la main droite alors qu’il faut aller à gauche. Ben oui.
Il n’y a rien de logique qui corresponde au formatage de notre cerveau d’occidental dans cette façon d’indiquer un chemin. 
De plus, votre interlocuteur étant tourné vers vous, il se peut que toutes ses indications directionnelles soient à lire à l’envers.
Bon courage.

Petite anecdote au passage, je me souviens parfaitement avoir eu un jour un énorme déclic en Argentine lorsque je m’exasperais à demander mon chemin et que je ne comprenais rien aux explications alors que j’ai pourtant le sens de l’orientation.
Ce jour là j’ai compris que ma mère (argentine) n’était pas aussi dyslexique que je le pensais, et que si je ne comprenais JAMAIS RIEN à ses explications pour nous fixer un rendez-vous, c’est que cela venait de sa culture. Tilt dans ma tête ! J’ai dès ce jour été plus indulgente avec elle, du moins, j’acceptais mieux la raison de ces incompréhensions et me préparais systématiquement aux quiproquos.

Dans le vocabulaire dominicain, il y a aussi des concepts à intégrer comme « afuera » (dehors).
Si au téléphone vous demandez à votre interlocuteur où il se trouve, il se peut-très bien qu’il vous réponde « afuera« . Vous pensez qu’il vous prend pour un idiot, en réalité, il est peut être en train de vous dire qu’il est dans le bar qui se trouve au bout de la rue à gauche. Pourquoi ne vous dit-il pas simplement « Je suis au Gato Negro » ?… ne me demandez pas. « Afuera« , ça peut vouloir dire tout et n’importe quoi. En réalité, peut-être que les dominicains n’ont pas besoin comme nous de visualiser l’espace. On est dedans ou dehors, un point c’est tout.

Quand un français va s’absenter de la maison, il dit tout naturellement « je vais à tel endroit ou voir telle personne à tel endroit, je reviens vers telle heure ».
De la même façon que le dominicain vous raccroche au nez quand il a fini de parler sans toute autre manière (ni « au revoir, bisou, c’est toi qui raccroche, non c’est toi qui raccroche, non c’est toi, ok bisous à demain »), le dominicain sort sans rien dire ou bien il dit simplement « je sort ».
Où va-t-il, et va-t-il rentrer dans une heure, deux heures, trois heures, ou au petit matin ? « Dieu seul le sait« , même pas lui.
Deuxième cas de figure, vous voulez vous faire livrer quelque chose à domicile.
Simplissime me répondrez-vous : je donne mon adresse complète et le code de ma porte d’entrée (ah ah) et puis voilà. Point.
Vous êtes vraiment très drôle ou alors vous n’avez pas du tout lu ce qui précède.
On vous a dit qu’il n’y avait ni noms, ni numéros de rue. Allez, j’exagère, à Las Galeras, il existe la « calle principal », ce n’est pas compliqué, c’est la route qui vient de Samaná et qui se termine devant la plage. c’est la rue principale, du même nom donc. il y a aussi la calle Jimi Hendrix, mais les dominicains ne connaissent pas son nom qui pourtant est écrit sur une plaque, (ni d’ailleurs Jimi Hendrix car c’est évidemment un fan français qui lui a mis ce nom il y a quelques années).
A partir de là commence un casse-tête qui pourrait pourtant être simple pour expliquer comment arriver du point A (le magasin) au point B (votre maison).
J’habite dans la rue qui se trouve à gauche en « descendant la rue principale » (je note que je commence à déteindre et que j’ai de plus en plus de mal à indiquer une direction de façon logique et précise), et en tournant au dernier carrefour.
Alors mettez vous bien ça dans la tête : même si cette rue descend en pente douce jusqu’à la mer, le dominicain, lui, la monte dans le sens que je viens de vous indiquer.
Ça vous rappelle les quiproquos entre « je monte sur Marseille » ou « je descends à Paris » (alors que vous êtes à Lyon) ? Vous avez raison.
Vous avez donc semé la confusion dans la tête de votre interlocuteur dès le départ. Vous auriez mieux fait de lui dire « pa’rriba hasta donde Gri-Gri, luego dobla pa’ca » (montez jusqu’à Gri-Gri et tournez par là) en poussant l’air de droite à gauche avec votre main droite.
Traduisez « roulez tout droit jusqu’à chez Gri-Gri, l’ancien hôtel-restaurant qui est au coin du dernier carrefour de la route principale puis tournez à gauche ».
Bon, j’en ai rajouté un peu pour vous faire la démonstration. En réalité en disant « dobla a la izquierda en donde Gri-Gri » (tournez à gauche chez Gri-Gri) on vous aura probablement compris.
Maintenant, il va falloir expliquer que je suis dans le petit chemin qui tourne à droite à environ 80 mètres du carrefour où vous venez de tourner. Ma maison à un portail noir en métal qui est tout de suite sur votre gauche. C’est simple comme chou, il n’y a qu’un chemin qui part sur la droite dans toute la rue, impossible de se tromper.
Cet exemple -vous l’avez compris- est tiré de faits réels ; après plus de 5 minutes d’explications et un dessin aussi précis que possible, la jeune fille qui semblait complètement perdue (le village compte une quinzaine de rues tout au plus) et m’a demandé avec insistance mon numéro de portable en me disant qu’il valait mieux que j’attende les livreurs au carrefour de Gri-Gri (quand ? à quelle heure ? je vous laisse deviner) qui m’appelleraient pour que je leur indique le chemin à pied car ils ne trouveraient probablement pas.
Je sais ce que vous pensez, je vous l’avais dit.
Je peux vous donner 100 exemples comme celui-là.
La maison que j’habitais précédemment se trouvait dans cette même rue qui au bout fait un coude et tourne à droite. Ma maison était la première sur la gauche après avoir tourné à droite, avait un énorme perroquet peint sur la façade, un portail bleu en bois.
Croyez moi ou pas, en huit mois, pas un seul dominicain à qui j’ai indiqué mon adresse n’a su la trouver. Il est même arrivé qu’on m’appelle au téléphone du coin de la rue, qui était la dernière indication compréhensible pour un dominicain.
Ahurissant. Parfois exaspérant, toujours incompréhensible.
En conclusion et pour boucler la boucle avec ma petite introduction, même si je reconnais être étonnée, ne pas comprendre voire être exaspérée par nos différences culturelles, je tiens à préciser que les dominicains se comprennent entre eux, ou du moins s’en accommodent.
Car souvent en réalité ils ne se comprennent pas entre eux-mêmes !!!
Si deux personnes sont incapables de se donner un point de rendez-vous ou une heure précise, ils font avec et cela ne semble pas les gêner plus que cela. Cela fait partie de cette nonchalence ambiante.
Car tout est relatif.
Ce qui est « logique, cadré et précis » pour nous ne l’est pas du tout pour un dominicain, et vice versa.
Alors qui a tort ou qui a raison ? A chacun nos modes de réflexion, nos modes de pensée, nos cultures et nos différences culturelles, même si cela est difficile voire impossible à accepter.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=zpskmpe1H1c]

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