
Nous gagnons notre « pied-à-terre » aussi vite que possible en nous frayant un chemin entre la foule dense des ruelles de la médina. La vieille ville et les souks sont « piétons », mais en réalité vélos, scooters, ânes tirant des charrues, et autres charrettes transportant toutes sortes de marchandises forment un flot compact et continu dans les ruelles étroites.
C’est une charmante chambre donnant sur un patio où abondent palmiers et orangers qui nous attend. Elle est simple mais déjà, l’atmosphère paisible qui règne dans le riad contraste avec le brouhaha et l’ambiance étourdissante que nous venons de traverser : c’est un havre de paix.
Camelots en tous genre, charmeurs de serpents, montreurs de singes, de faucons, musiciens, mendiants encapuchonnés, parfois aveugles ou estropiés tous droits sortis d’une cour des miracles aujourd’hui révolue dans notre « Paris du luxe et de la mode », tatoueuses de henné, vendeurs ambulants aux magnifiques étalages d’oranges parfaitement disposées en pyramides, tout cela et quelques touristes se mélangent au fumet qui commence à embrumer la place sous le soleil couchant. le cerveau humain de mélanger toutes ces odeurs, ces sons, ces images et comprendre la magie qui opère sur cette place sans y avoir goûté au moins une fois.
Après un rapide aperçu de quelques rues du souk, nous nous installons sur la terrasse du fameux Café de France qui offre un panorama exceptionnel du haut de la place, qui maintenant commence sa transformation, au rythme du soleil qui se couche derrière le minaret de la Koutoubia. 
Un exquis shake à l’avocat, et -déjà- des centaines de photos plus tard, nous retournons « palper » la place de plus près. L’atmosphère à complètement changé, et c’est maintenant un décor de nuit dont les ampoules à nu scintillent de toutes parts qui nous ouvre sa piste ; en guise d’apéritif, nous nous installons au stand d’un de ces vendeurs ambulants pour y déguster des escargots.
Après ce petit apéritif, nous décidons de nous attaquer au plat de résistance. Déambulant entre les stands installés au centre de la place, interpellés par les serveurs qui veulent tous nous asseoir à leur table et nous présentent leurs spécialités, je m’arrête net devant un étal qui me rappelle mon passage au marché dominical de Bac Ha au Vietnam : deux hommes debout face aux clients découpent avec une adresse et une rapidité déconcertantes des têtes de moutons bouillies ; le premier sort la tête du bovidé d’une grosse cuve fumante dans laquelle elle a vraisemblablement mijoté durant des heures, la pose sur la table à découper, et voici que le chef la coupe en deux d’un coup de couteau et d’un geste mécanique parfaitement rodé, lui retire les yeux, retourne la tête, sépare la mâchoire qu’il jette dans un seau derrière lui, retire en quelques fractions de secondes la langue, la cervelle, les joues qu’il place dans une assiette et découpe le tout en petits morceaux amoureusement au son de son hachoir qui fait tac tac tac… On dirait un tour de magie. Je suis hypnotisée, fascinée, par l’habileté et la vitesse avec lesquelles il exécute sa tâche. Je ne peux plus contenir l’eau qui m’est monté à la bouche, je demande une demi-tête, puis demande pardon à la pauvre bestiole en mon for intérieur ; je l’imagine broutant sagement dans la montagne, et passe les minutes suivantes à m’en régaler comme rarement je l’ai fait. Je suis carnivore, je m’en excuse auprès de ceux qui ne comprendront jamais, mais notre terre est ainsi faite, nous nous mangeons les uns les autres, c’est ainsi.
Je crois que cette phrase que me répétait mon père lorsque, petite, je m’horrifiais devant un petit asticot qui sortait de la noix que j’allais avaler ne m’a jamais quittée : « c’est rien, c’est juste un asticot ! mange le, un jour c’est lui qui te mangera »…








T'es vraiment une vorace! 😉
Alex.
Je n'avais pas prêté attention à cet article, peut-être parce que je ne connaissais pas du tout cette ville. Le relire maintenant après être passé par la place Jemmaa El-Fna a une autre saveur. En parlant de saveur, nous n'avons pas osé goûter aux fameux escargots… mais d'ailleurs, tu ne nous dit pas si tu a aimé!?
J'adorrreee ces escargots Julie ! je trépignais d'impatience avant de partir rien qu'à l'idée d'en re-manger enfin ! Supers pour l'apéro avant la tête de mouton 😉